20/12/2018
Haruki Murakami : La Ballade de l’impossible
Haruki Murakami né à Kyoto en 1949, est un écrivain japonais. Fils d'un enseignant de littérature japonaise en collège, il opte pour les arts théâtraux et souhaite devenir scénariste de cinéma. Après ses études à l'université il est pendant huit ans, responsable d'un bar de jazz à Tokyo, l’une de ses passions avec les chats. Après un premier ouvrage publié au Japon en 1979 et sa renommée établie après plusieurs romans à succès, il part vivre à l'étranger, en Europe (Italie et Grèce), puis aux Etats-Unis. Il revient vivre au Japon en 1995, marqué par le tremblement de terre de Kobe et l'attentat au gaz sarin de la secte Aum dans le métro de Tokyo. Haruki Murakami est également traducteur en japonais de plusieurs écrivains anglo-saxons parmi lesquels Scott Fitzgerald, John Irving ou encore Raymond Carver. Roman paru en 1987 au Japon, La Ballade de l’impossible a été traduit chez nous en 1994.
Au cours d'un voyage en avion, Watanabe, le narrateur, entend une chanson des Beatles (Norwegian Wood) qui le replonge dans le souvenir d'un amour vieux de dix-huit ans. Quand il était lycéen dans les années 60, son meilleur ami, Kizuki, s'est suicidé. Kizuki avait une amie, Naoko. Un an plus tard, Watanabe retrouve Naoko, elle est angoissée et pour tout dire un peu bizarre mais il l'aime ainsi…
Nous allons donc suivre Watanabe quand il était étudiant à l’université, pratiquant divers petits boulots pour payer sa chambre, mais aussi et surtout son parcours amoureux, ce qui fait de ce livre un roman initiatique où l’amour et la mort tiennent les rôles primordiaux. Question amour, tout est bien compliqué pour notre héros : Naoko sera longtemps celle qui occupera le plus son esprit, une jeune fille très étrange, psychologiquement perturbée elle échouera dans une sorte d’asile médicalisé en pleine montagne où Watanabe viendra lui rendre visite, ainsi qu’à sa collègue de chambre beaucoup plus âgée, Reiko. De son côté, lui n’est pas un garçon follement énergique, ce qu’il reconnait « Je n’arrive pas vraiment à m’investir. Tout m’est indifférent », ce qui peut agacer le lecteur qui suit des personnages où l’une vit dans son monde un peu éthéré et lui, laisse les choses se faire ou non, sans rien tenter réellement pour les maitriser. Ce détachement apparent, qu’on croise souvent chez Murakami, correspond certainement à une certaine mentalité asiatique, ce qu’on appelle le zen ( ?).
Ce qui était déjà complexe pour Watanabe, empêtré dans sa relation avec Naoko, le devient plus encore quand il va rencontrer Midori. Elle, c’est l’exact opposé de Naoko, autant l’une est introvertie autant l’autre est exubérante, se livrant à un rentre-dedans sans complexe (« … j’ai un visage assez mignon, une belle poitrine, je fais bien la cuisine, j’ai disposé au mieux de l’héritage de mon père, alors tu ne crois pas que je suis un bon parti ? Si tu ne me prends pas, je vais finir par aller voir ailleurs. »). Je ne vous ai pas tout dit sur l’amour et je tais carrément ce qui à trait à la mort pour ne pas vous spoiler le plaisir de lire cet ouvrage.
Un roman sur une jeunesse qui se cherche, la complexité des rapports amoureux et l’initiation sexuelle ; le tout baignant dans une mélancolie assez agréable et une notion du temps qui passe plutôt élastique. Comme d’habitude chez l’écrivain, les références musicales abondent (pop/jazz) autant que les renvois vers livres et auteurs de grande littérature.
Pour être tout à fait franc avec vous, longtemps j’ai trouvé le roman « moyen » mais la fin (le dernier quart) est magnifique à mes yeux et rehausse largement le niveau de ce, finalement, très bon roman.
« Sans doute parce que nous devions nous acquitter d’une dette en ce monde, me dit-elle en relevant la tête. Quelque chose comme la douleur de grandir. Puisque nous n’avions pas payé le prix au moment où il le fallait, c’était obligatoire de payer la note tôt ou tard. C’est pour cela que Kizuki a fait ce qu’il a fait, et que j’en suis là aujourd’hui. Nous étions comme deux enfants nus qui ont grandi sur une île déserte. Quand nous avions faim, nous mangions des bananes, et, quand nous étions tristes, nous dormions dans les bras l’un de l’autre. Mais cela ne pouvait durer éternellement. Nous grandissions à toute vitesse, et nous allions devoir prendre notre place dans la société. C’est pour cela que ton existence était très importante pour nous. Tu étais comme le chaînon qui manquait pour faire le lien avec le monde extérieur. A notre façon, nous faisions tout ce que nous pouvions pour nous assimiler au monde extérieur par ton intermédiaire, tu sais. Mais, finalement, cela n’a pas marché. »
Haruki Murakami La Ballade de l’impossible Editions du Seuil – 357 pages –
Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle
« … et la douce musique d’ambiance s’écoula des haut-parleurs fixés au plafond : c’était la mélodie de Norwegian Wood des Beatles (…) Comme toujours, cette chanson me troubla. Et je dois dire que, cette fois-ci, elle me remua plus profondément que d’habitude. »
07:46 Publié dans Etrangers | Tags : haruki murakami, scott fitzgerald, john irving, raymond carver | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |